2021-04-01 Articles
À la découverte de différents types de mentorat
1er avril 2021
L’un des actifs les plus précieux des cabinets privés sont les facultés intellectuelles et la force de travail de leurs avocats. Pourtant, plusieurs cabinets éprouvent de la difficulté à retenir leurs jeunes talents. L’un des facteurs invoqués pour expliquer le taux de roulement élevé réside dans le fait qu’encore trop souvent les jeunes recrues sont évaluées en termes de profitabilité.
Or, les millénariaux sont à la recherche d’un emploi qui leur permet de tisser des liens, apprendre de nouvelles compétences et qui possède un sens ou une mission. Ils accordent également beaucoup d’importance à l’obtention d’une rétroaction fréquente. Autrement dit, ils s’attendent de leur supérieur qu’il soit un « coach ». Aussi, le développement d’un solide programme de gestion des talents est de mise. Un aspect important d’un tel programme est le mentorat qui permet aux millénariaux de satisfaire les aspirations décrites plus haut.
Outre un meilleur taux de rétention, le mentorat améliore la culture d’entreprise, permet de créer des liens entre collègues, de verbaliser de nouvelles idées et de développer ses qualités interpersonnelles comme le leadership. En matière de prévention en responsabilité professionnelle, le mentorat permet la transmission de connaissances en droit et le développement de saines habitudes dans la gestion des dossiers.
Dans le cadre de cet article, nous présenterons différents types de mentorat émergents et leurs avantages.
Le mentorat traditionnel et ses enjeux
Traditionnellement, nous concevons le mentorat comme une relation où un avocat sénior investit son temps et partage ses connaissances et ses compétences avec un collègue moins expérimenté. Mais voilà, certains enjeux sont liés à ce type de mentorat.
Tout d’abord, il exige un important investissement de temps autant pour le mentor que pour le mentoré. Or, dans nos rythmes de vie effrénés, le temps est manquant.
Par ailleurs, dans certains cabinets, le nombre d’avocats pouvant jouer le rôle de mentor est inférieur au nombre d’avocats désirant être mentorés. Cela est d’autant plus vrai que d’ici une décennie, les millénariaux formeront le groupe majoritaire en emploi.
Également, il n’est pas toujours facile de trouver une personne avec qui nous nous sentons à l’aise d’exposer notre vulnérabilité.
Enfin, certains préfèrent apprendre auprès de leurs pairs et non auprès d’un collègue sénior.
Pour ces raisons, il devient criant d’élargir nos horizons et d’offrir différentes opportunités de mentorat aux jeunes avocats. Voici donc quelques modèles alternatifs au mentorat traditionnel.
Le mentorat inversé
Dans le mentorat inversé,[1] un avocat junior est jumelé avec un avocat sénior, un associé ou un membre de l’exécutif afin de lui transmettre des connaissances ou des compétences. Autrement dit, le mentor est l’avocat junior et le mentoré est l’avocat sénior. La prémisse de ce type de mentorat est que les apprentissages se perpétuent à tout âge et que tous ont des connaissances à transmettre.
Le concept du mentorat inversé a été introduit en 1999 par Jack Welch, ancien PDG de General Electric. Welch a demandé à de jeunes employés de familiariser leurs collègues plus âgés à l’utilisation des technologies de l’information. De nos jours, le mentorat inversé s’est étendu à d’autres sujets.
Les entreprises ayant intégré ce type de mentorat ont noté un meilleur taux de rétention de leurs jeunes employés, une productivité accrue, un meilleur moral et une augmentation de l’innovation et du changement.
Plus particulièrement, les avantages pour les avocats juniors se traduisent par :
- Des échanges et des interactions directs avec des avocats qui influencent la prise de décision en matière de gestion du cabinet. Il en résulte donc une meilleure compréhension des enjeux du cabinet;
- La possibilité de contribuer par la transmission de connaissances, de compétences, d’idées ou de suggestions;
- La possibilité d’exprimer son point de vue et le sentiment d’être pris au sérieux;
- Le développement de ses compétences de leadership;
- Le développement d’un sentiment d’appartenance au cabinet;
- L’obtention de rétroaction de la part de l’avocat mentoré, notamment sur la qualité des enseignements donnés et autres compétences interpersonnelles mobilisées par l’avocat junior;
- L’accroissement de la motivation et d’un sens à son travail.
Quant aux avocats séniors, les bénéfices sont :
- La prise de conscience des enjeux vécus par les jeunes avocats et le fait que ces derniers ont des connaissances et des points de vue constructifs à transmettre;
- La mise à jour de ses connaissances dans des sphères importantes de la pratique du droit;
- L’apprentissage de nouvelles compétences;
- Le contact avec des perspectives qui sont généralement ignorées ou peu soulevées au sein du cabinet;
- La compréhension accrue des jeunes clients par les avocats séniors;
- La possibilité de démontrer leur ouverture d’esprit;
- Une confiance renforcée dans le futur du cabinet.
Le mentorat de groupe
Usuellement, il existe trois (3) types de mentorat de groupe : le mentorat d’équipe, le mentorat par les pairs et le mentorat facilité.
Dans le mentorat d’équipe, un mentor ou un groupe de mentors ayant des compétences diversifiées transmet leurs connaissances ou leurs compétences à un groupe de mentorés partageant les mêmes objectifs de développement de carrière.
Évidemment, le mentorat d’équipe peut se faire en présentiel. Cependant, considérant le contexte de pandémie actuel, les plateformes de visioconférence et de travail collaboratif se prêtent bien à ce type de mentorat. L’utilisation de plateformes en ligne comporte plusieurs avantages comme la possibilité de créer des groupes de « chat », partager des documents, faire des sondages auprès des membres composant l’équipe ou partager un calendrier commun pour y annoncer des activités de développement professionnel ou les disponibilités du ou des mentor(s).
Pour ce qui est du mentorat par les pairs, il réunit des collègues ayant des objectifs de carrière similaires. La dynamique est la suivante : à tour de rôle un membre du groupe expose l’un de ses problèmes ou l’un de ses enjeux et les autres membres tentent d’y apporter des solutions. Autrement formulé, la sagesse collective est mise à profit pour résoudre les problèmes rencontrés par les collègues ou les employés.
À l’instar du mentorat d’équipe, les plateformes en ligne peuvent très bien être mobilisées pour encadrer ce type de mentorat. Dans leur article intitulé Mentoring Millennials, Jeanne C. Meister et Karie Willyerd donnent l’exemple d’une compagnie de télécommunication ayant mis sur pied une plateforme collaborative. Cette dernière permet aux employés de transmettre leur savoir ou des astuces à leurs collègues par le biais de courtes vidéos ou courts enregistrements audio, des podcasts, des fils RSS ou des fils de discussion ou encore, des documents de formation traditionnels. Les employés qui consultent le contenu peuvent évaluer ce dernier sur la base de la pertinence et de la qualité. Les employés peuvent également communiquer avec le collègue qui a publié le contenu pour en apprendre davantage. Certes, il n’est pas toujours possible de se créer sa propre plateforme de mentorat en ligne. Cela dit, il est possible de recréer une plateforme collaborative similaire à celle décrite ci-haut avec les plateformes déjà existantes sur le marché.
Quant au mentorat facilité, il existe deux (2) façons de le concevoir. Une première approche considère qu’il s’agit d’un groupe qui décide de retenir les services d’un expert pour faciliter leurs discussions autour d’un sujet et en apprendre davantage. Dans la seconde vision, le mentorat facilité est un complément au mentorat traditionnel. La relation usuelle entre un mentor et un mentoré existe, mais des collègues du mentoré viennent bonifier la relation mentorale en aidant le mentoré à identifier ses objectifs, à établir un ordre du jour des rencontres, etc.
Considérant que les rôles peuvent parfois être inversés entre le mentor et le mentoré, notamment dans le mentorat par les pairs, nous verrons de manière globale les avantages du mentorat de groupe.
- La prise en compte des préférences individuelles dans l’établissement de la relation mentorale. En effet, plusieurs individus préfèrent apprendre en groupe;
- De manière corollaire, la réduction de l’intimidation qui peut accompagner le mentorat individuel;
- L’obtention de différents points de vue : ceux des mentors et des autres mentorés. Cela enrichit et approfondit la compréhension qu’a le mentoré de la situation;
- La compréhension du fonctionnement d’une équipe lorsque des projets communs se forment;
- La création d’un réseau de professionnels élargi où règne un esprit de camaraderie;
- L’accroissement de son influence;
- Le développement de compétences comme la communication ou le leadership;
- L’économie de temps et des ressources nécessaires.
Le mentorat anonyme
Ce type de mentorat fait appel à des tests psychologiques et des examens des antécédents pour jumeler un mentor et un mentoré. De manière générale, le mentor est un coach professionnel ou un cadre aguerri. Les parties à la relation mentorale n’ont aucune idée de l’identité de leur vis-à-vis puisque les échanges se font entièrement en ligne en toute confidentialité. Voici les avantages associés à ce type de mentorat :
- Pour certains, la confidentialité associée au mentorat anonyme leur permet de poser leurs questions sans craindre d’avoir l’air ridicules. De même, les mentors sont plus enclins à se montrer vulnérables en racontant l’expérience acquise à la suite d’erreurs;
- L’absence d’agenda caché du mentor dans le développement professionnel du mentoré;
- La diminution des enjeux liés aux différences de fuseaux horaires ou aux différences culturelles considérant que tout se passe en ligne de manière confidentielle;
- La relation requiert moins de temps et d’énergie.
Le mentorat épisodique
Le mentorat se fait par le biais de brèves rencontres ou d’échanges entre une personne expérimentée et une personne plus débutante. Cependant, comme son nom l’indique, le mentorat épisodique ne fait pas appel à une relation continue et soutenue. Dans ce type de mentorat, les mentors acceptent d’être disponibles pour répondre aux questions selon les besoins.
Dans son texte Changing Concepts and Models of Mentoring, Ida O. Abbott donne l’exemple d’une firme d’avocats s’étant dotée d’un Intranet sur lequel certains avocats acceptant de faire du mentorat épisodique y ont publié leur profil incluant leurs compétences, leurs fonctions au sein du cabinet, leurs champs de pratique et leur expertise. Les autres avocats du cabinet peuvent communiquer avec les mentors épisodiques lorsqu’ils ont une question. Le mentor et le mentoré disposent d’une courte rencontre lors de laquelle, le mentor prodigue ses trucs, conseils, suggestions et informations au mentoré. Les conseils peuvent également être dispensés par téléphone ou par courriel en fonction de l’entente entre les parties. Il n’y a aucune obligation pour le mentor de poursuivre la relation ou d’en faire plus, bien que cela soit toujours possible.
Plusieurs cabinets d’avocats notent les avantages de ce type de mentorat. Il accroît la communication interne au sein des cabinets, le transfert de l’information et l’efficience en général. Le tout aboutit à un savoir institutionnel au sein des cabinets. Par ailleurs, dans les cabinets internationaux ou possédant plusieurs bureaux régionaux, les avocats ont rapidement accès aux connaissances qui sont parfois dispersées.
Pour les participants à la relation mentorale, les avantages du mentorat épisodique sont les suivants :
- Le caractère moins formel et exigeant de ce type de mentorat. Le mentorat épisodique est notamment moins demandant quant à l’investissement de temps;
- La possibilité de mettre l’accent sur les besoins d’apprentissage immédiats sans avoir à élaborer un plan de mentorat ou formuler des objectifs. L’information est véhiculée au moment où elle est nécessaire;
- De manière générale, les participants à ce type de mentorat le trouvent facile, flexible, rapide et plus efficient;
- La possibilité de créer des liens avec des collègues ou des avocats séniors;
- Le fait d’aller chercher différentes compétences ou connaissances auprès de différents avocats.
Dans cet article, nous avons exploré différents types de mentorat. Bien qu’ils aient parfois mauvaise presse, les millénariaux sont avides de connaissances et de rétroaction. En outre, ils n’hésitent pas à travailler fort dans la mesure où leur emploi possède un sens pour eux. Aussi, il importe de leur procurer diverses opportunités d’apprentissage ce qui est aussi vrai pour les autres générations d’avocats. Après tout, il en va de la santé et de la pérennité de notre profession.
[1] Voir sur le même sujet la capsule du 15 décembre 2020 intitulée Le mentorat inversé : Vous connaissez? dans notre blogue Maîtres@droits
Références :
Voir « 3 Types of Group Mentoring », dans Center for Mentoring Excellence, 27 mai 2016, en ligne : https://www.centerformentoring.com/3-types-of-group-mentoring.
Elin Gill, « Different Types of Mentoring and the Benefits of a Mentor », dans le Blogue de Launch, 16 novembre 2017, en ligne : https://www.launchrecruitment.com.au/career-tips/different-types-mentoring-benefits-mentor/.
Ida O. Abbott, « Changing Concepts and Models of Mentoring », dans PD Quarterly, Mai 2019, en ligne : https://idaabbott.com/wp-content/uploads/Changing-Models-1.pdf.
Jeanne C. Meister et Karie Willyerd, « Mentoring Millennials », dans Harvard Business Review, Mai 2010, en ligne : https://hbr.org/2010/05/mentoring-millennials.
Judith Lindenberger, « Mentoring and Millennials » dans Lindenberger Group, 17 juillet 2015, en ligne : https://lindenbergergroup.com/mentoring-and-millennials-3/.
Voir « What is Group Mentoring? », dans le Blogue de Mentoring Complete, en ligne : https://www.get.mentoringcomplete.com/blog/what-is-group-mentoring.