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2020-05-27 Articles

Attention : Ce ne sont pas tous les délais qui sont suspendus

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26 mai 2020

Il s’est déjà écoulé un peu plus de deux mois depuis l’émission de l’Arrêté nº 2020-4251 (ci-après « Arrêté ») qui a entraîné la suspension des délais de prescription extinctive et de déchéance en matière civile jusqu’à l’expiration de la période de déclaration d’état d’urgence sanitaire prévue par le décret n177-2020 du 13 mars 2020, ainsi que les délais de procédure civile, à l’exception des affaires jugées urgentes par les tribunaux. Enfin, en cas de renouvellement de la déclaration d’état d’urgence sanitaire, les mesures prévues à l’Arrêté sont renouvelées pour une période équivalente. En date de ce jour, l’état d’urgence sanitaire a été renouvelé jusqu’au 27 mai 2020[1].

Cela étant dit, il importe de rappeler que ce ne sont pas l’ensemble des délais qui sont suspendus par l’Arrêté. Ainsi, au moment d’écrire la présente, les délais prévus dans certaines lois et certains règlements fédéraux ne sont toujours pas suspendus, incluant les délais de nature civile prévus par ces lois fédérales, de sorte que les avocats sont tenus de poser les actes nécessaires afin de préserver les droits de leurs clients. À titre d’exemples, pensons aux délais d’appel prévus dans la Loi sur le divorce[2] ou la Loi sur la faillite et l’insolvabilité[3] ainsi que certains délais mentionnés au Code canadien du travail[4].

Il importe de préciser que le Ministère de la Justice Canada a publié sur son site Internet le Projet de propositions législatives concernant la prolongation et la suspension des délais et la prolongation d'autres périodes en raison des circonstances découlant de la COVID-19[5] (ci-après « Projet de loi »). Ce Projet de loi n’a pas encore été adopté. Il prévoit entre autres la suspension de certains délais et « permettrait aux ministres fédéraux de prolonger ou de suspendre temporairement d’autres délais prévus dans la législation fédérale »[6].

Plus précisément, l’article 6 (1) du Projet de loi qui traite des délais concernant l’instance mentionne :

6 (1) Les délais ci-après prévus sous le régime d’une loi fédérale sont suspendus pour la période commençant le 13 mars 2020 et se terminant soit le 13 septembre 2020, soit à la date antérieure fixée par décret pris sur recommandation du ministre de la Justice :

a) tout délai de prescription du droit d’introduire une instance devant une cour;

b) tout délai relatif à l’accomplissement d’un acte dans le cadre d’une instance devant une cour;

c) tout délai dans lequel une demande visant à obtenir l’autorisation d’introduire une instance ou d’accomplir un acte dans le cadre d’une instance doit être présentée à une cour[7].

De plus, les articles 7(1) et 7(2) du Projet de loi[8] prévoient la possibilité pour un ministre chargé de l’application des lois et règlements prévus à l’annexe du Projet de loi de suspendre ou de prolonger d’autres délais et périodes.

L’objectif poursuivi est notamment de veiller à ce que les contribuables canadiens puissent exercer leurs droits et que ceux-ci ne soient pas éteints par l’écoulement du temps en raison de la pandémie. Le Projet de loi prévoit également la rétroactivité des prorogations et des suspensions de délais au 13 mars 2020. Toutefois, ces prorogations et ces suspensions ne pourront excéder six mois, soit jusqu’au 13 septembre 2020[9] et pourraient même être de plus courte durée.

Vu ce qui précède, voici quelques mesures préventives à adopter :

  • Revérifiez vos dossiers soumis à des lois fédérales afin de vous assurer de respecter les délais auxquels ils sont astreints;
  • Déterminez si certains dossiers nécessiteront une prolongation de délais et le cas échéant, déposez cette demande de prolongation. N’attendez pas à la dernière minute puisque vous devez disposer d’une marge de manœuvre pour faire face aux imprévus;
  • Si vous constatez qu’un délai est échu, informez le client et le Fonds d’assurance promptement et présentez rapidement une demande pour être relevé de votre défaut dans les cas qui le permettent. Dans tous les cas, ne vous fiez pas à l’adoption du Projet de loi pour régulariser la situation. Tenir pour acquis que ce dernier sera adopté tel quel est risqué. En effet, d’éventuels amendements au Projet de loi pourraient faire en sorte que le délai dans votre dossier ne sera pas prorogé ou suspendu.
  • Enfin, nous ne saurions trop insister sur l’importance d’avoir un système rappelant toute échéance ou tout délai de prescription, et ce, bien avant la date d’expiration. Dans l’éventualité où le Projet de loi serait adopté et que certains des délais dans vos dossiers auraient été suspendus ou prorogés, n’oubliez pas de mettre à jour ce système.

 

[1] Décret nº 531-2020 du 20 mai 2020 concernant le renouvellement de l’état d’urgence sanitaire      conformément à l’article 119 de la Loi sur la santé publique : https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/sante-services-sociaux/publications-adm/lois-reglements/decret-531-2020.pdf?1590017533

[2]  Loi sur le divorce, L.R.C. 1985, ch. 3 (2e suppl.); Jim Bronskill, Ottawa veut assouplir les délais judiciaires ou légaux pour aider les citoyens, L’Actualité, 20 mai 2020.

[3]  Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. 1985, ch. B-3.

[4]  Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2.

[5]  Projet de propositions législatives concernant la prolongation et la suspension des délais et la prolongation d'autres périodes en raison des circonstances découlant de la COVID-19 : https://www.justice.gc.ca/fra/sjc-csj/pl/pl-lp/ldap-tlopa/index.html

[6]  Id.

[7] Id.,art. 6 (1).

[8] Id., art. 7(1) et 7(2).

[9] Id., art. 6 (1).