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2020-11-02 Articles

Comment mener une bonne analyse de gestion des risques?

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2 novembre 2020

Dans le cadre de nos articles, nous traitons principalement de gestes concrets visant à diminuer les risques de faire l’objet d’une poursuite en responsabilité professionnelle. Cela dit, il n’est pas futile de mener régulièrement une analyse plus globale des risques qu’encourt votre cabinet, notamment en matière de responsabilité professionnelle. Cet article a pour objectif de vous aiguiller sur les principales étapes d’une analyse des risques.

Affaires mondiales Canada définit le risque « comme l’effet de l’incertitude sur les objectifs ».[1] Autrement dit, le risque réfère à la probabilité et aux impacts d’un événement susceptible de nuire à l’atteinte des objectifs[2] de votre cabinet. Toutefois, mentionnons qu’un risque peut également avoir des effets positifs. Dans un tel cas de figure, il est question d’opportunités.[3]

Les 5 étapes d’un processus de gestion des risques

Dans un article publié par Michael Herrinton dans la revue Harvard Business Review, ce dernier traite d’une étude menée par Ernst & Young LLP qui révèle que les entreprises qui possèdent un programme de gestion stratégique des risques performent mieux au niveau de leurs indicateurs financiers.[4] De fait, ces entreprises étaient en mesure d’aligner leur stratégie de gestion des risques avec la stratégie plus globale de l’entreprise. Il est également raisonnable de penser qu’un cabinet qui possède une gestion intégrée des risques est plus productif[5] et que le service à la clientèle est amélioré. Mais comment y arriver?

Une étape en amont des 5 étapes présentées apparaît particulièrement importante, à savoir la création d’un comité de gestion des risques. Non seulement ce comité devra-t-il veiller à l’identification des risques et à la mise en place de solutions appropriées, mais l’une de ses fonctions primordiales consistera également à mettre en place des canaux de communication entre les divers services du cabinet pour s’assurer de la cohérence des mesures de gestion des risques entre ces derniers.[6]

Cela étant dit, voici les 5 étapes du processus de gestion des risques :

  1. Identifier et définir les risques: Il s’agit de recenser les risques auxquels est exposé votre cabinet et qui pourraient influencer les résultats attendus.[7]  À cet égard, plusieurs risques sont possibles, mais en matière de responsabilité professionnelle, deux sont prédominants : les clients et les avocats.

    Me Malcolm M. Mercer, avocat à Toronto, identifie 4 catégories de risques associés aux clients.[8] Tout d’abord, il y a les risques de poursuites en responsabilité professionnelle. Ces derniers sont susceptibles d’entraîner des coûts et une atteinte à la réputation du cabinet et de l’avocat. Le départ d’un client engendre également un risque qui se manifeste au niveau des revenus, de la réputation et parfois de la cohésion d’équipe. Cela est sans compter qu’un client qui met un terme à sa relation professionnelle en raison de son insatisfaction des services rendus est plus susceptible d’instituer une poursuite en responsabilité professionnelle. Ensuite, un risque financier peut se matérialiser en présence d’un client mauvais payeur. Enfin, il y a des risques de conflits d’intérêts. En effet, accepter de représenter un client implique que nous devrons refuser d’agir pour tout client ayant un intérêt opposé.

    Pour ce qui est des risques associés aux avocats avec lesquels vous pratiquez, Me Mercer[9] soulève l’existence de risques liés à la mauvaise performance et à des inconduites déontologiques ou autres. Un avocat nouvellement arrivé peut également générer des inquiétudes s’il ne dispose pas du niveau d’expertise attendu. De même cette nouvelle venue peut entraîner des conflits d’intérêts forçant le cabinet à cesser d’occuper pour certains clients. Pour terminer, un avocat qui quitte le cabinet constitue un risque en ce qui a trait à la perte de clientèle ou la divulgation d’informations confidentielles.

    Voici un exemple d’identification et de définition du risque : Vous examinez le processus de facturation du cabinet et constatez de nombreuses lacunes, notamment qu’aucune directive claire n’existe. En fait, chaque avocat agit selon son bon jugement et dans certains cas, cela se traduit par l’absence de facturation régulière. Le risque pourrait donc se définir ainsi : il existe un risque que les lacunes perçues dans le processus de facturation mènent à une dégradation des relations avec la clientèle et à leur éventuel départ nuisant à l’atteinte des objectifs du cabinet. Ici, le risque identifié est le processus de facturation. Quant aux répercussions, elles se feront sentir sur la relation avec la clientèle et par conséquent, sur l’atteinte des résultats.
  2. Déterminer l’impact des risques sur les résultats: Parmi les objectifs/résultats à court, moyen et long terme, identifiez lesquels pourraient être touchés par le risque en question.[10]

    Reprenons l’exemple du processus de facturation.[11] Un cabinet qui aurait énoncé comme objectif d’être reconnu parmi les 10 meilleurs cabinets de sa région (réputation) compromet l’atteinte de cet objectif en conservant un processus de facturation déficient en raison des répercussions sur la satisfaction de la clientèle. Également, l’objectif financier du cabinet pourrait vraisemblablement être affecté.
  3. Déterminer les mesures à prendre pour répondre aux risques: Cette étape consiste à établir les stratégies que vous mettrez en œuvre pour gérer les risques et réduire les probabilités qu’ils se produisent.[12] Les stratégies mises en place doivent être réalistes compte tenu de votre budget, des délais et de l’expertise disponible pour leur implantation.[13] Notons que la formation continue est l’une des stratégies qui reviennent régulièrement lorsqu’il est question de gestion des risques.[14] Cette formation doit non seulement porter sur le droit, mais également sur les meilleures pratiques professionnelles et la prévention des poursuites en responsabilité professionnelle.[15]

    Ainsi, pour la facturation, il pourrait être décidé de sensibiliser les avocats et leurs adjointes sur ce risque par le biais d’une formation ou rencontre. En plus, une directive pourrait être émise que toute facture d’un montant X doit être transmise au client dans tel délai. Un logiciel permettant de notifier les dossiers où le travail n’a pas été facturé depuis un nombre de jours déterminés est également une mesure possible.
  4. Évaluer le niveau de risque: Il s’agit d’établir le niveau de risque résiduel, c’est-à-dire le « niveau de risque après la prise en considération des mesures prises pour répondre aux risques ».[16] Les deux critères d’évaluation sont la probabilité et l’impact de la survenance du risque sur les objectifs.
  5. Suivre, mettre à jour et rendre compte : Considérant que les risques peuvent disparaître ou évoluer, il demeure primordial de réviser régulièrement votre analyse de risques.[17] Par ailleurs, on ne saurait trop insister sur l’importance de la communication. En effet, la gestion des risques est l’affaire de tous! Vos collègues et le personnel administratif de votre cabinet doivent pouvoir porter à votre attention tout risque perçu.

En terminant, retenons qu’une analyse globale et intégrée de la gestion des risques permet de réduire efficacement ceux liés à la responsabilité professionnelle. De fait, elle force les avocats à revoir régulièrement leurs politiques et procédures, à réagir moins impulsivement et diminue la perception de toujours devoir « éteindre des feux ».[18] Avez-vous la vôtre?

 

[1] Affaires mondiales Canada, Gestion des risques, 28 septembre 2018. Repéré à : https://www.international.gc.ca/world-monde/funding-financement/risk_management-gestion_risques.aspx?lang=fra

[2] Id.

[3] Vivian Kloosterman, What are the 5 Risk Management Steps in a Sound Risk Process, Continuing Professional Development. Repéré à : https://continuingprofessionaldevelopment.org/risk-management-steps-in-risk-management-process/

[4] Michael Herrinton, How Mature is Your Risk Management?, Harvard Business Review, 29 juin 2012. Repéré à : https://hbr.org/2012/06/how-mature-is-your-risk-manage

[5] Malcolm M. Mercer, A Systematic Approach to Law Firm Risk Management, Slaw, 30 avril 2012. Repéré à : http://www.slaw.ca/2012/04/30/a-systematic-approach-to-law-firm-risk-management/

[6] Rabiya Hirji-Young, Risk Management in Law Firms , Law Technology Today, 20 décembre 2016. Repéré à : https://www.lawtechnologytoday.org/2016/12/risk-management-in-law-firms/

[7] Affaires mondiales Canada, préc., note 1.

[8] Malcolm M. Mercer, préc., note 5.

[9] Id.

[10] Affaires mondiales Canada, préc., note 1.

[11] Nous aurions pu aussi prendre l’exemple du processus de suivi des délais à respecter.

[12] Id.

[13] Id.

[14] Michael Herrinton, préc., note 4; Malcolm M. Mercer, préc., note 5; Rabiya Hirji-Young, préc., note 6.

[15] Malcolm M. Mercer, préc., note 5.

[16] Affaires mondiales Canada, préc., note 1.

[17] Id.

[18] Vivian Kloosterman, préc., note 3.