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2021-05-10 Articles

COVID-19 et suspension des délais d’appel

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La suspension des délais en matière civile par l’Arrêté n° 2020-4251 a suscité plusieurs questions, notamment sur la computation des délais et la nature des délais suspendus. Bien qu’il y ait eu levée de la suspension le 1er septembre 2020 par l’effet de l’Arrêté n° 2020-4303, il est illusoire de croire que ces questions sont disparues. Récemment, la Cour d’appel a rendu une décision en cette matière en lien avec les délais d’appel qu’il vaut la peine de souligner.

Plus précisément, dans une décision du 18 décembre 2020,[1] la Cour d’appel se penche sur le bien-fondé d’une Requête en rejet d’appel, en déclaration d’abus et de quérulence.

Brièvement, les appelants se pourvoient à l’encontre d’un jugement rendu le 14 août 2020 par la Cour supérieure, qui rejetait leur Demande introductive d’instance pour injonction permanente – arrêt et démolition de travaux. Les appelants désiraient obtenir la démolition d’une rallonge construite par leur voisine, l’intimée. Essentiellement, le juge de première instance concluait que les servitudes conventionnelles sur lesquelles se fondaient les appelants ne comportaient pas les termes d’une servitude de non-construction et n’empêchaient pas l’intimée de construire sur son lot. D’ailleurs, le juge concluait que l’acte de servitude de 1983 réservait expressément ce droit de construction en faveur du lot servant.

Le 25 septembre 2020, les appelants déposent leur Déclaration d’appel dans laquelle ils allèguent des erreurs de droit du juge de première instance dans l’interprétation qu’il fait des actes de servitude, de même que dans son refus de considérer les comportements des parties. Également, le juge aurait erré en fait et en droit en négligeant d’analyser le dossier sous l’angle de l’abus de droit vu les actes posés par l’intimée pour réduire l’exercice de la servitude.

Le 9 octobre 2020, l’intimée dépose une Requête en rejet d’appel, en déclaration d’abus et de quérulence. Deux motifs sont invoqués au soutien de la procédure :

1. L’appel aurait été formé hors délai puisque la suspension des délais de procédure civile décrétée par l’Arrêté n° 2020-4251 du 15 mars 2020 ne          s’appliquerait pas aux demandes d’injonction comme celle des appelants; et

2. L’appel serait voué à l’échec.

Quant à la déclaration d’abus et de quérulence, l’intimée s’appuie sur le fait que l’appelante Whitfield a déposé plusieurs procédures judiciaires en Ontario contre son frère et son ancien employeur. En outre, l’intimée réclame 7 500 $ en remboursement d’honoraires de ses avocats ainsi que 10 000 $ en dommages punitifs en raison de la témérité de l’appel.

Contrairement aux prétentions de l’intimée, la Cour d’appel rejette l’argument fondé sur le non-respect du délai d’appel. La Cour d’appel convient que l’Arrêté n° 2020-4251 a suspendu les délais de procédure civile à l’exception des affaires jugées urgentes par les tribunaux. Elle convient également que les demandes d’injonction font partie des procédures jugées urgentes ou prioritaires retenues par la Cour supérieure pour la continuité de ses services. Toutefois, cela n’a pas pour effet d’écarter la suspension des délais d’appel pour de tels recours.

[6] La suspension des délais d’appel par l’effet de l’arrêté no 2020-4251 du 15 mars 2020 ne peut donc être écartée du fait que la « demande d’injonction » se trouve sur la liste des matières jugées urgentes ou prioritaires retenues par la Cour supérieure. D’ailleurs, de manière analogue dans l’affaire Ewert c. Lalande2020 QCCA 1141, la Cour a conclu que les délais d’appel étaient suspendus, par l’effet de l’arrêté no 2020-4251 du 15 mars 2020, dans le cas d’une procédure d’habeas corpus en matière civile, identifiée comme matière jugée urgente à même la liste de la Cour supérieure mentionnée précédemment. 

[7] En fait, la liste des matières jugées urgentes ou prioritaires retenues pour la continuité des services à la Cour supérieure durant la pandémie liée au Covid-19 ne vise que les procédures devant la Cour supérieure. La Cour d’appel n’est pas liée par cette liste et n’a pas à se prononcer sur son effet en regard des délais de la Cour supérieure.[2] (Notre soulignement).

La Cour d’appel précise bien ne pas avoir, pour sa part, établi de liste de matières ou d’affaires jugées urgentes aux fins de la levée de la suspension des délais de procédure telle qu’arrêtée par la juge en chef du Québec et la ministre de la Justice. Ainsi, chaque demande est analysée selon les circonstances propres à chaque cas.[3] Par ailleurs, la Cour d’appel ajoute que dans les faits, aucune déclaration d’appel n’a été refusée pour le motif que les délais d’appel n’auraient pas été suspendus par l’effet de l’Arrêté n° 2020-4251.

Eu égard à l’argument voulant que l’appel des appelants soit voué à l’échec, la Cour d’appel reconnaît que les moyens d’appel soulevés par ces derniers présentent un certain défi. Cela étant, elle refuse de rejeter l’appel à un stade préliminaire pour ce motif.

Également, la Cour d’appel refuse de déclarer l’appel abusif ou les appelants plaideurs quérulents. Pour cette raison, la Cour d’appel rejette les demandes de remboursement des frais d’avocats et des dommages punitifs.

En terminant, l’équipe de prévention du Fonds d’assurance, consciente du lot de questionnements qu’apporte la suspension des délais par l’effet de l’Arrêté n° 2020-4251, a écrit quelques articles sur le sujet. Nous vous invitons donc à consulter ces articles :

 

[1] Whitfield c. Arlyn Capital inc., 2020 QCCA 1823.

[2] Id., paragr. 6 et 7.

[3] Sur ce point, la Cour d’appel réfère les justiciables et les avocats à ses communiqués du 16 mars et du 24 mars 2020.