Aller au contenu

2024-02-01 Articles

Si votre excès de confiance vous empêchait de voir les angles morts de vos dossiers

Partagez

1er février 2024

Vous est-il déjà arrivé de perdre un procès, alors que vous étiez convaincu du bien-fondé de votre position?

Est-ce qu’une négociation s’est déjà soldée par l’obtention d’un montant moindre que celui anticipé?

Dans ces exemples, peut-être avez-vous péché par excès de confiance?

L’excès de confiance réfère à la tendance de se percevoir plus positivement que les autres (meilleur que la moyenne). La personne entretient des croyances irréalistes sur ses traits et ses capacités. De même, ses perceptions et ses évaluations sont biaisées en ce qu’elle évalue les probabilités de vivre des évènements positifs de manière plus élevée que ne l’est la réalité[1].

Tous peuvent, à un moment où un autre, être victime d’un excès de confiance. Les avocats n’échappent évidemment pas à cette réalité[2]. Cela dit, les conséquences d’un tel biais peuvent être importantes sur le plan de la responsabilité professionnelle. Pensons entre autres aux erreurs suivantes :

  • Évaluation erronée des chances de succès d’un dossier;
  • Acceptation d’un dossier dans lequel l’avocat est peu familier. Il croit à tort que l’affaire est peu complexe et qu’avec quelques recherches, il pourra mener à terme son mandat. Malheureusement, il identifie incorrectement le délai de prescription, présumant que le délai applicable est celui de trois ans prévu à l’article 2925 du C.c.Q[3];
  • Échec d’une négociation puisque les deux parties croient erronément que leur dossier est gagnant et demeurent campées sur leur position;
  • Introduction d’une poursuite abusive puisque l’avocat a épousé la cause de son client n’arrivant plus à voir les faiblesses du dossier.

Sans compter qu’un excès de confiance peut éventuellement entacher la réputation d’un avocat si ce dernier, de manière répétée, n’est pas en mesure d’atteindre les objectifs préalablement fixés avec le client.

Vu ce qui précède, voici quelques comportements à adopter afin d’éviter de tomber dans le piège de l’excès de confiance :

  • Cherchez de la rétroaction. Discutez de vos dossiers avec vos collègues. Il s’agit d’une excellente façon de dénouer une impasse dans un dossier ou d’obtenir une opinion objective quant aux forces et aux faiblesses de ce dernier.
  • Anticipez les arguments de la partie adverse. Autrement dit, il s’agit de « se faire l’avocat du diable ». Quelle est la force des arguments de l’autre partie ainsi que celle de vos contre-arguments? Également, mettez-vous à la place de l’avocat de la partie adverse, comment aborderiez-vous le dossier?
  • Envisagez le dossier sous différents angles. Vous êtes convaincu de la robustesse de vos arguments et d’avoir gain de cause à la suite d’un procès, mais un dénouement satisfaisant peut-il être obtenu en médiation? De manière générale, les clients apprécient les avocats pragmatiques qui évitent de les propulser dans une saga judiciaire coûteuse.
  • Préparez des listes de contrôle dans vos dossiers, telles que le processus d’ouverture des dossiers, le processus de recherche de conflits d’intérêts, l’entrée systématique des dates à l’agenda, etc. Ces procédés peuvent vous permettre de déceler un problème qui autrement serait passé inaperçu vu le rythme effréné de la pratique. En plus, ils limitent les risques d’oublis et réfrènent la tendance à tourner les coins ronds par excès de confiance.
  • Évitez de créer des attentes irréalistes chez vos clients. Le danger de l’excès de confiance est de promettre des résultats peu probables, voire impossibles aux clients. L’avocat qui crée ou entretient de telles attentes s’expose à l’insatisfaction du client en l’absence des résultats promis. Rappelons que l’avocat a des devoirs de conseil et d’information à l’égard de son client. Il doit l’aviser promptement quant à tous les aspects du dossier afin qu’il puisse prendre des décisions éclairées.

En terminant, considérant les dangers de surestimer ses capacités ou les chances de succès d’une affaire confiée, vérifiez les angles morts de vos dossiers afin d’éviter un accident de parcours sur le chemin sinueux de la responsabilité professionnelle. 

 

[1] Joyce Ehrlinger et Alex Eichenbaum, «The dark (and light) sides of overconfidence», dans V. Zeigler-Hill & D. K. Marcus, The dark side of personality: Science and practice in social, personality, and clinical psychology, 2016, p. 251-266.

[2] Voir entre autres : Jane Goodman-Delahunty, Maria Hartwig, Par Anders Granhag et Elizabeth F. Loftus, Insightful or Wishful: Lawyers’ Ability to Predict Case Outcomes, 16 Psychol. Pub. Po’y & L. 133, 2010, p. 133-157; Zev J. Elgen et Yair Listokin, Do Lawyers Really Believe Their Own Hype, and Should They : A natural Experiment, 41 J. Legal Stud. 239, 2012, 239-268.

[3] Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, art. 2925.